Frappabord
Frappabord de Mireille Gagné aux Éditions La peuplade
“ En même temps que s’installait la canicule, j’ai déserté la campagne pour m’établir en ville. Je me suis infiltrée partout. J’ai croisé des centaines et des centaines de mes semblables. J’ai visité tous vos endroits préférés, d’abord les campings, les tentes, les roulottes, les chalets, en raison de leur facilité d’accès, puis les maisons et les appartements avec les fenêtres entrouvertes. J’ai goûté toutes vos peaux, vos sangs, vos sueurs, hommes, femmes, enfants, malades, stressés, propres, sales. J’ai digéré toutes vos chairs dans l’objectif ultime de me reproduire un jour. ”
Cette couverture le rendrait presque sympathique ce Frappabord, cet hématophage appelé également mouche à chevreuil, mouche noire, taon à cheval… qui d’abord frappe puis mord d’où son nom, et même si leurs espérances de vie ne dépassent pas quelques semaines ils sont là depuis fort longtemps.
En plus de bien nous pourrir la vie avec leurs piqûres, d’écourter nos nuits, ils s’avèrent encore bien plus dangereux qu’on ne le pense et c’est pas cette dernière pandémie qui va nous rassurer sur le pouvoir de transmission qu’on certaines espèces animales, ni après cette lecture…
“ Dans son rapport, il mentionnait que ces mouches piqueuses, vivent malgré leur grosseur, étaient dotées d’un instinct vorace, se multipliaient rapidement, pouvaient couvrir de grandes distances et que, particularité cruciale, les femelles avaient besoin de plus de sang pour procréer que les autres espèces. ”
En donnant la voix à l’un d’eux mais également à des scientifiques qui les étudient de près, Mireille Gagné à l’imagination débordante nous offre un véritable thriller où le danger ne vient pas uniquement des Frappabords, mais également de ceux qui les utilisent à des fins destructrices.
Dés les premières pages, elle a piqué ma curiosité, je découvrais à travers ce roman choral, un voyage entre passé et présent, de la province du Québec en 1942, jusqu’à une petite ville de Montmagny de nos jours en compagnie de bestioles hyper destructrices qui à mesure qu’elles se multipliaient, engendraient un climat chaotique à chaque invasion.
C’est divinement bien pensé, bien construit et ça fait mouche.
Mais ne vous fiez pas aux apparences, ce qui se cachent entre ces pages et bien plus révélateur que l’on pourrait le penser et donne à réfléchir.
Alors fiction ou réalité ?
Une chose est sûre, ces bestioles nous détestent :
“Depuis combien de temps êtes-vous incapables d’anticiper l’évolution de votre environnement ? De décrypter les comportements hérités de vos ancêtres ? C’est pourtant ce qui nous a permis de survivre jusqu’ici. En cet instant précis, vous devriez ressentir de la peur. Une angoisse viscérale et atavique dans le fond de vos tripes. Ne captez-vous pas le signal de rage que notre espèce s’envoie désormais pour vous attaquer ? Nous avons décidé vous agresser, de vous nuire, de vous contaminer. Et nous devons pas être les seules. […] La Terre ne pourra pas vous endurer encore bien longtemps. […] Personne n’a signé de contrat d’éternité avec vous. ”
En attendant j’espère avoir piqué votre attention, et que vous aurez envie de découvrir cet OLNI littéraire écologique aussi inventif qu’extraordinaire.
Ça frappe à bord de ces pages c’est clair.
Retrouvez son premier roman, Le lièvre d’Amérique par ici.