Le roitelet

par Salvan Christelle  -  15 Février 2023, 11:12  -  #Québec Amérique, #Coup de cœur, #Littérature Québécoise, #Littérature étrangère, #Rentrée littéraire 2023, #Roman

Le roitelet de Jean-François Beauchemin aux Éditions Québec Amérique 

“ Puis, un beau soir, j’ai poussé la porte du jardin et je suis moi aussi devenu quelqu’un d’autre. […] Du jour au lendemain, j’ai commencé à ne m’intéresser qu’aux gens ordinaires, à ceux qui passent dans cette vie sans qu’on les remarque, à ne visiter sur les fermes avoisinantes que les vaches les plus solitaires, à vivre plus ou moins en retrait des choses et du Monde. […] Je ne veux pas laisser croire que je me suis transformé alors en une personne sombre, asociale ou privée de son courage. Seulement, au bout de treize années de bonheur partagées avec lui, mon frère était entré depuis peu dans une autre phase de sa jeune existence, infiniment plus tragique, vacillante, obscure et semée de dangers. ” 

La jeunesse s’en est allée, et l’aube de la vieillesse approche et amène avec elle un flot de souvenirs et de réflexions sur ces années passées pour cet écrivain qui a vu sa vie basculer à ses quinze ans, lorsqu’il se retrouva confronté à la schizophrénie de son jeune frère, âgé de treize ans. 

À travers ce destin semé d’embûches, d’incompréhension, le grand frère a su rester proche de son frère, très protecteur, ne cessant de l’observer pour mieux le comprendre, prenant lui-même un autre chemin, posant un regard différent sur le Monde qui les entoure. 

[…] « Pourquoi m’as-tu sauvé ? » a-t-il dit. Et c’était comme si j’avais ramené à la vie un fantôme dont les chaînes allaient tinter, désormais, dans les moindres recoins de ma vie, de ma raison, et derrière chacun de mes pas. ” 

À peine terminée ce récit, que j’ai déjà envie de reprendre cette errance littéraire, de revenir sur certains passages pour revivre les émotions qu’il m’a apporté, et redécouvrir la puissance des mots pour décrire ces vies où la maladie s’est installée laissant dans son sillage une foule de tourmente que seul l’amour fraternel pourra sauver du pire. 

“ J’ai fini par comprendre qu’il recherchait dans la lecture au moins un peu de la proximité humaine qu’il ne trouve pas dans sa vie . ” 

Avec une infinie douceur et une grande pudeur, Jean-François Beauchemin nous offre un magnifique roman où la nature omniprésente et la poésie adoucissent la peine, la solitude. Avec beaucoup de tendresse et un regard bienveillant, il revient sur ces années où l’amour pour son frère a apaisé d’une certaine manière la douleur de cette terrible maladie avec laquelle il a fallu composer et apprendre à vivre. 

Le roitelet, sifflote à notre oreille un chant d’amour d’un frère à un autre. C’est juste magnifique. 

“ Mon frère ne parlait pas, mais je ne m’étonnais plus depuis longtemps de ce mutisme de façade, intérieurement mitraillé de mots. Au bout d’un temps, pourtant, et comme en réponse à mon commentaire, il a déclaré ceci : « Les gens comme toi, je veux dire les écrivains, s’émeuvent plus douloureusement que nous autres, les normaux, devant ce monde catastrophique et merveilleux, traversé de beauté, de drame, d’humour et de désolation. » C’était la deuxième fois ce jour-là que je l’entendais dire qu’il m’aimait. ”

Un récit tellement beau et puissant qu’il laisse à penser aux lecteurs à une autobiographie, et c’est là que le pouvoir de la littérature et le talent de l’écrivain interviennent pour nous emporter à travers les mots vers des émotions inattendues à travers une pure fiction.

Le roitelet, sifflote à notre oreille un chant d’amour d’un frère à un autre. C’est juste magnifique. 
 

 

 

 

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