De neige et de vent

par Christelle  -  29 Avril 2024, 14:21  -  #Coup de cœur, #Le mot et le reste, #Littérature française, #Rentrée littéraire 2024, #Roman noir

De neige et de vent de Sébastien Vidal aux Éditions Le mot et le reste 

 

Le nom apparaît sous les flocons, en noir sur fond blanc ceinturé d’une bande rouge, Tordinona. L’arrivant se penche et se rapproche pour lire une phrase inscrite à la peinture sous le nom du village :vous pouvez encore faire demi tour.” 
 

Tordinona, ce village perdu à la frontière des Alpes italiennes et française s’avère peu accueillant, on peut être amené à penser que les habitants tiennent à leur tranquillité. 
 

“ À Tordinona, on vit entre soi depuis toujours, Internet et la modernité n’ont rien changé à ça. Les mêmes familles depuis le milieu du dix-neuvième siècle, les mêmes lignées ayant engendré les mêmes faces bourrues, les mêmes yeux suspicieux et fureteurs, les mêmes barbes fournies sous des fronts larges et épais, boucliers pour des caboches plus dures que le roc. […] Le village se meurt, mais au moins les Tordinonais meurent entre eux.” 

 

 

Même le voyageur de passage et son fidèle compagnon canin l’ont bien compris, il est bien dommage qu’une tempête de neige les oblige à s’attarder, le pont permettant de quitter le village a été détruit par une avalanche, bloquant également deux gendarmes, Marcus et Nadia, retardés après une terrible découverte. 
 

“ La gendarme n’a pas sommeil. […] Cette jeune fille dont elle entend la voix portée pour les bourrasques, une voix qui chevauche le tumulte par-delà les pics et les sommets, qui dévale les goulets d’étranglement, les ravins et les gorges. Une voix qui clame et qui réclame la justice, et dans cet écho qui tourne sans fin dans la montagne, résonne un autre écho qui murmure : « Regardez ce qu’on m’a fait.» ” 

 

Une jeune fille a été retrouvé sans vie, et d’emblée le voyageur est suspecté. Presque l’ensemble du village décide de rendre justice s’opposant sans vergogne aux représentants de la loi. 
 

“ Sur les cent douze habitants, il y avait les rameux qui suivaient leur chef Basile Gay, mais il y avait aussi quelques francs tireurs comme Vosloo, les jeunes de la ferme ou la vieille à la Winchester. Il y en avait une poignée d’autres aussi, révoltés mais silencieux. Et entre ces deux parties antagonistes, flottait, ou rampait une masse molle et gluante, qui regardait ailleurs, se bouchait les oreilles, ne voulant surtout pas savoir. Ceux qui , lors des enquêtes, n’ont jamais rien vu ni rien entendu. Parce que chacun a ses raisons. ” 


Isolé davantage, Tordinona va être emporté dans une vague de violence inimaginable, liée aux éléments et aux comportements de certains humains remplis de haine jusqu’à devenir de vrais sauvages. 
 

Pas sûr qu’au final, le village s’en sorte indemne, pas sûr qu’il reste toujours cent douze habitants, il se peut que certains finissent au cimetière, avant que le beau temps revienne. 
 

« Contrairement aux humains la douleur n’a pas besoin de dormir, elle est à l’ouvrage à chaque seconde, tant que sa cible est vivante, elle vit et mâche, déchire, lamine avec une patience qui décuple sa force et son endurance. Et elle rit de son labeur, parce que, luxe suprême, quand sa proie est morte au bout d’une interminable agonie, elle se transmet aux proches et peut continuer son œuvre d’élision. Seule la parole peut la tuer, mais quand il en bave, l’humain se mure souvent dans le silence et bâtit ainsi son propre tombeau. » 


 


Certains et certaines d’entre vous risquent de ne pas me trouver objective, puisque depuis ma découverte de cet auteur, je ne cesse de clamer des louanges à son sujet, mais voilà Sébastien Vidal est comme le bon vin, il se bonifie ouvrage après ouvrage méritant amplement son statut d’écrivain (là il vient de râler car monsieur préfère romancier, mais pas d’ordre de gendarme à la retraite avec moi) et De neige et de vent le confirme. 

Ce jeune retraité donc, de la gendarmerie met tout son savoir et toutes ses tripes dans ses romans et même ses colères envers certains humains s’y retrouvent, tout comme son amour pour la nature et la poésie. 

J’ai pourtant adoré ses précédents romans, mais celui-ci est encore un cran au dessus, pas étonnant qu’il ait été récompensé par le Prix Landerneau et même s’il n’écrit pas dans cet optique, ça fait toujours plaisir de voir le travail d’un auteur qu’on apprécie, reconnu à sa juste valeur. 


De neige et de vent, nous entraîne dans un huis clos glacial, brutal où la noirceur de l’âme humaine s’immisce dans la blancheur hivernale.

Il suffit d’un rien, d’une rumeur pour que tout bascule, et qu’un village devienne une véritable zone de guerre, révélant la véritable nature de certaines personnes qu’elles soient bonnes ou mauvaises. 
 

La plume singulière soucieuse du moindre détail de Sébastien Vidal s’affirme, et nous offre un roman noir extraordinaire, avec des personnages de caractère dans une atmosphère sous haute tension, au cœur d’une nature indomptable, tout ce qu’on s’attend à trouver sur les chemins noirs de la littérature, nous amenant inévitablement vers un moment de lecture inoubliable. 
 

Alors n’hésitez pas à vous confronter à ces villageois de Tordinona, un peu de renfort pour ces âmes prises à partie ne seront pas de refus. 
 

Mais attention, couvrez-vous bien. 
 

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Sébastien Vidal

 

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