Mai 67

Mai 67 de Thomas Cantaloube à la Série Noire des éditions Gallimard 

[…] Srnsky s’écarte et donne un ordre dans sa langue natale. Bondit alors hors du magasin un gros chien noir que Raphaël a déjà vu, sauf qu’il est habituellement tenu en laisse. Aujourd’hui, point de lien en cuir pour retenir le molosse qui se rue sur lui. 

– Va dire bonjour au nègre ! l’enjoint Srnsky, en français cette fois-ci, arborant un rictus qui traduit, pour lui, le retour des beaux jours. 

Ne pouvant se carapater en raison de sa patte folle. Balzinc se jette à terre et se contorsionne de son mieux sous sa carriole, un abri dérisoire face à un animal accoutumé à ramper. 

Tout commence par l’attaque d’un molosse appartenant à un blanc, envers un pauvre guadeloupéen, de quoi indigner la population et attiser leur colère. 

“ Il aurait dû deviner que Jacques Nestor était de la partie. Le cousin de Lucile ne manquait jamais une occasion de participer à un rassemblement quelconque. Même s’il ne l’avait pas revu depuis la réunion semi-clandestine du GONG à laquelle il avait assisté, il savait que Nestor connaissait à peu près tout le monde au sein des mouvances syndicales et politiques guadeloupéennes qui revendiquaient de meilleures conditions de vie pour les descendants d’esclaves. Car c’était bien de cela qu’il s’agissait : l’antique lutte des bras contre le porte-monnaie, des coupeurs de canne à sucre contre les propriétaires des explorations agricoles. Les planteurs étaient devenus entrepreneurs, les esclaves devenus journaliers, mais le rapport de force n’avait guère changé. ” 

S’en suivra une manifestation qui va très vite dégénérer, provoquant une émeute ou des hommes vont perdre la vie, et d’autres, hommes et femmes confondues vont se retrouver en état d’arrestation, puis conduit en métropole en attendant d’être jugés. 

Lucile, la femme de Luc Blanchard, fait partie des victimes arrêtées. Étant journaliste, afin de l’innocenter, il va se lancer dans une enquête entre la France et la Guadeloupe, qui va le mener vers les plus hautes instances du gouvernement gaulliste. 
 

De mai 67 à mai 68, c’est tout un pan d’histoire fort méconnu que Thomas Cantaloube nous invite à découvrir à travers ce récit basé sur des faits réels. 

Après nous avoir confronté à la guerre d’Algérie dans sons premier roman : Requiem pour la république, puis à la Françafrique avec : Frakas ( Ma chronique ici), il nous plonge cette fois au cœur du soulèvement de la Guadeloupe de mai 67 et des ses conséquences. 

Avec quelques personnages récurrents qui évoluent de manière différente, Thomas Cantaloube nous offre un final de sa trilogie époustouflant et remet à la page du jour les dessous cachés, tellement honteux de la politique française. Un auteur qui n’hésite pas à employer sa plume, pour apporter certains éclaircissements à ceux qui comme moi n’ont pas brillé sur les banc de l’école pendant les cours d’histoire, et aux plus assidus en manque d’informations secrets défense.

C’est vraiment le genre d’auteur qui me réconcilie avec ce que je n’aime pas vraiment notamment la politique, mais qui me permets d’éclairer ma lanterne tout en me confortant dans l’idée que ce milieu est vraiment bien pourri depuis longtemps…

C’est super bien écrit comme toujours, ça se lit quasiment comme un polar avec un plus et pas des moindres, ça s’est réellement passé un jour, hélas… 

Une trilogie extraordinaire à ne pas rater. 

Thomas Cantaloube