Mon nom dans le noir

par Christelle  -  8 Janvier 2024, 11:51  -  #Albin Michel, #Coup de cœur, #Littérature Américaine, #Littérature étrangère, #Premier roman, #Rentrée littéraire 2024, #Roman, #Terres d’Amérique

Mon nom dans le noir de Jocelyn Nicole Johnson aux Éditions Albin Michel 

Traduit par Sika Fakambi

“ Mains blanches empoignant des bonbonnes métalliques, brandissant des torches aux flammes déferlantes. Les cris violents, les brumes de fumée qui montent – tout ça et bien d’autres choses encore, nous arrachant de chez nous. Depuis nos petits carrés d’herbe pelée à l’avant de nos maisons, nous avons vu l’élan confus des corps de quelques riverains faisant front pour tenter de les arrêter. […] Ces choses que nous avons vues, sur le moment elles nous ont rivés à elles, et ensuite elles nous ont libérés, elles nous ont affranchis. ” 

Le chaos s’est installé sur les terres américaines. Les catastrophes climatiques s’enchaînent, entraînant des pannes massives, le pays est plongé dans le noir. 


Une nouvelle occasion pour les suprémacistes blancs de s’en prendre encore une fois aux noirs et notamment à ceux du quartier First Street à Charlottesville en Virginie. 

C’est à bord d’un bus jaune abandonné qu’un groupe réussit à s’échapper et parvient tant bien que mal à trouver refuge sur les hauteurs à Montecillo, la plantation historique de Thomas Jefferson. 
 

Entourés des fantômes de ce lieu, la résistance et la survie s’organisent avec à sa tête une jeune femme noire, Da’ Naisha Love qui tente de garder une trace de cette ultime épreuve, en couchant sur papier leurs luttes quotidiennes avant de les glisser dans les pages des livres de la bibliothèque…

“ Ils sont là, toujours les mêmes, toujours plus proches, et que nous feraient-ils s’ils nous rattrapaient - et nous que faudra-t-il que nous fassions alors ? ” 

Jocelyn Nicole Johnson s’est inspirée des émeutes de Charlottesville et de l’assaut du Capitole, mais ce n’est qu’un prétexte pour nous conter une tout autre histoire où le passé résonne dans le présent à travers le personnage de Love et l’on découvre le secret de ses ancêtres lié à ce lieu, lié à Thomas Jefferson, lié aux esclaves qui hantent encore le domaine. 

À travers ce court roman qui va pourtant à l’essentiel, sans pour autant le bâcler, elle choisit de ne pas s’attarder sur les faits violents qu’on imagine très bien, mais préfère aborder à sa manière les questions raciales autant que sociales. 

Bien plus qu’une dystopie ou un roman apocalyptique, ce roman nous offre le destin de Love, une femme noire qui tente de survivre, d’aimer, avec ce passé douloureux qui est le sien dans ce présent au bord du précipice où il est essentiel de laisser une trace de son Histoire.

Mon nom dans le noir, premier roman de Jocelyn Nicole Johnson rejoint le cercle des plumes indispensables, comme Colson Whitehead, Toni Morrison, qui nous permettent  garder en mémoire les luttes constantes des noirs depuis des siècles encore bien trop présentes de nos jours. 
 

“ Qu’était-je censée faire de ces ancêtres, me suis-je demandé alors. Et que feraient tous ces gens de moi et de MaViolet, maintenant qu’ils savaient ? Allaient-ils nous considérer comme plus dignes, ou moins dignes, nous sachant descendantes d’un père fondateur et d’une esclave ? Mais quelle importance tout cela avait-il encore ? ” 

Un premier roman très réussi qui aborde d’une manière tout à fait différente les thèmes raciaux, la transmission et le douloureux poids du passé dans une période troublée qui résonne étrangement avec notre présent.  
Un texte aussi puissant qu’osé mais nécessaire que je vous invite à découvrir. 

 

Jocelyn Nicole Johnson

 

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