On m’appelle Demon Copperhead

par Christelle  -  20 Février 2024, 08:40  -  #Albin Michel, #Coup de cœur, #Littérature Américaine, #Littérature étrangère, #Prix Pulitzer, #Rentrée littéraire 2024, #Roman, #Terres d’Amérique

On m’appelle Demon Copperhead de Barbara Kingsolver aux Éditions Albin Michel 

Collection Terres d’Amérique 

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Martine Aubert 

 

“ Déjà, je me suis mis au monde tout seul. Ils étaient trois ou quatre à assister à l’événement, et ils m’ont toujours accordé une chose : c’est moi qui ai dû me taper le plus dur, vu que ma mère était, disons, hors du coup. ” 

 

Alors voilà comment t’es né Demon, pas de maternité ni de Doula pour assister ta mère, non juste le sol dur du mobil- home pour t’accueillir, là où vivait ta mère, une mère bien jeune complètement dépassée par ce qui arrive. En plus tu es né comme on dit : « coiffé »  mais pas d’une couronne ni de cuillère en argent dans la bouche, non hélas c’est loin,  bien loin d’être le cas. Il va t’en falloir du courage pour affronter ce monde dans lequel tu viens d’être expulsé. 

Né dans ces conditions, forcément tu vas grandir plus vite, en même temps as-tu vraiment une autre option ? 
 

“ Cet automne-là j’avais fait une liste de tout ce que je raconterais un jour à mon petit frère. Mais avec le temps, j’ai fini par n’avoir plus qu’une seule chose en tête , pour ce qui est de l’enfance. Dire à tous ceux qui ont la chance d’en avoir une : prends-la, cette merveilleuse enfance, et cours. Cache-toi. Aime-la de toutes tes forces. Parce qu’elle va te quitter pour ne plus jamais revenir. ” 

 

 

Sans père à l’horizon même si évidemment t’es pas né d’un miracle du Saint Esprit, c’est toi l’homme de la maison jusqu’à l’arrivée de la pire espèce des hommes et c’est celui-là que ta mère décide d’épouser. Décidément c’était déjà pas terrible jusqu’à maintenant mais là ça va devenir l’enfer. Même les voisins qui veillait sur toi te seront devenus interdit …

 

“ […] né dans le mobil-home, un vrai champion des cas sociaux quoi. Les gamins comme moi avec leur mère adolescente qui te passe du whisky sur les gencives pour te faire taire, te met du Coca dans le biberon, on est la misère du monde. Pourtant au départ j’étais aussi bien élevé que n’importe quel autre enfant, je disais s’il vous plaît et merci, je faisais mes devoirs, je savais comment m’y prendre pour qu’on me sourie. Je jouais pour gagner avec toutes mes petites fiertés et mes rêves. […] Tous les matins en me levant je pensais que le soleil était là, et qu’il pouvait briller tout autant sur moi que sur n’importe quel autre être humain. ” 

 

Ouais pas la meilleure décision que ta mère ait prise, résultat séjour à l’hôpital pour elle et famille d’accueil pour toi, le début d’une longue suite de placement, dans des familles qui profitent du chèque, et de toi sans scrupules. 


“ Nous les gens de la campagne, on est nulle part. C’est un drôle d’état, être invisible. Tu peux en arriver au point où t’as besoin de faire le plus de bruit possible pour te sentir encore en vie. ” 

 

Et pourtant y’en a une qui va sortir du lot, grâce aux relations de ta grand-mère paternelle et te permettra même d’exceller au football américain jusqu’à ta blessure qui va t’obliger à faire connaissance avec l’oxy, cet antidouleur, le pire fléau de tous les temps… 

 

“ Les miens sont morts d’avoir essayé, ou pas loin, accros que nous sommes à l’idée de rester en vie. Il n’y a plus de sang à donner ici, juste des blessures de guerre. La folie. Un monde de douleur qui attend qu’on l’achève. ”

 

VDM comme on dit, qui te laisse jamais respirer, Il va t’en falloir de la résilience pour continuer à croire à une vie meilleure, mais franchement,  je crois qu’on peut compter sur toi. 

 

“ Vis suffisamment longtemps, et tout ce que tu as aimé risque de revenir te brûler les yeux. Le plus extraordinaire c’est que tu peux commencer ta vie avec rien, la finir avec rien, et perdre tant de choses entre-temps. ” 

 

Grace aux talents de conteuse de Barbara Kingsolver, tu es devenu mon héros. C’est grâce à toi, à ta force, à ton courage et à ta façon de me présenter ton histoire avec une gouaille d’enfer, te mettant à nu devant moi, me plongeant à tes côtés dans ce pays où le rêve américain n’est pas à la portée de tous, selon l’endroit où tu es né qui détermine hélas à bien des égards la suite.

Bienvenue aux pays des inégalités, qui méprise les plus démunis, où l’oxy devient roi pour supporter la douleur de vivre effaçant petit à petit les oubliés de l’Amérique, les rendant invisibles concrètement. 
 

Et si Barbara, à travers toi avait envisagé de  rendre hommage à David Copperfield, crois-moi t’as rien à lui envier et c’est vachement réussi. 
 

“ Je voyais la scène. Je veux dire que je la voyais vraiment. Je les ai dessinées, ces falaises blanches où Miss Barks m’avait emmené une fois. Comme j’avais jamais vu de seigle, j’ai fait un champ de tabac à la place. Pareil pour le bouquin de Charles Dickens, un type hyper vieux, mort depuis un bail et étranger en plus de ça, mais putain, il les connaissait les gamins et les orphelins qui se faisaient entuber et dont personne avait rien à branler. T’aurais cru qu’il était d’ici. ”

 

Et je suis sûre que ce Prix Pulitzer c’est avec toi qu’elle va le partager, car tant de résilience dans une si petite vie, ça mériterait même la Silver Star après tous les combats traversés. 
 


 

Ton histoire donne vie à un roman extraordinaire d’une auteure qui me bouleverse depuis 1999, quand j’avais fait connaissance avec sa plume à travers : L’arbre aux haricots, suivi par : les cochons au Paradis, les débuts déjà prometteur d’une grande écrivaine américaine. 

 


 

Alors chers lecteurs et lectrices, n’hésitez surtout pas à faire connaissance avec Demon Copperhead, qui va vous offrir une épopée bouleversante où le rire effacera vos larmes qui pourraient parfois déborder devant tant de courage face à l’adversité. 
 

Un grand,  très grand roman, un portrait saisissant de Demon, mais aussi de l’Amérique, de ses nombreuses failles et du sort des laissés pour compte, absolument révoltant qui est loin de faire rêver. 
 

Barbara Kingsolver

 

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