Et puis on aura vu la mer

par Salvan Christelle  -  11 Mars 2024, 20:58  -  #Coup de cœur, #Le Quartanier, #Littérature française, #Rentrée littéraire 2024, #Roman

Et puis on aura vu la mer de Tristan Saule aux Éditions Le Quartanier 

 


 

“ En début d’après-midi, quand elle se laisse porter par les notes de flûtes de pan dans la pénombre du dortoir, Sabrina trouve qu’elle ne s’en est pas si mal sortie dans la vie. Il suffit parfois de changer la bande son pour que celle-ci prenne une saveur nouvelle. Installée dans son fauteuil ergonomique, dix petits êtres à ses pieds, chacun plongé dans un songe coloré, elle se dit qu’elle pourrait être heureuse, vraiment, et se demande pourquoi elle n’y parvient pas. Dix petits corps endormis. Dix petits guerriers qui vont partir à l’assaut du monde et emprunter dix chemins insoupçonnables. Il y aura une avocate, un chômeur, un médecin, une caissière, un délinquant, sans doute, une ATSEM, peut-être. Que penseront-ils de leur existence à eux, quand ils auront son âge à elle ? Seront-ils fiers, déçus, contents ? Regarderont-ils en arrière, vers ce moment du passé, en songeant qu’à cet instant précis, pendant une sieste de rien du tout dans la petite école de leur enfance, tout était encore possible, n’importe quelle embûche pouvait être surmontée ? ” 

 

Retrouver la Place Carrée, c’est un peu comme rentrée de vacances et s’informer des dernières nouvelles du quartier en  nous plongeant dans la gazette littéraire. 
 

On y découvre les derniers potins, notamment l’arrivée des réfugiés d’Ukraine qui ont fui la guerre, les dernières bagarres des dealers de la zone qui se défoulent pour protéger leur territoire, les affiches de Zemmour à l’approche de nouvelles élections qui font tâche dans le quartier, les histoires de voisinage, le ramadan qui redémarre pour les pratiquants, les jeunes qui traînent, les adultes qui bossent, et d’autres toujours au chômage et surtout on y retrouve des femmes, de véritables guerrières toujours prêtes à rendre service même après les heures de boulot et leurs enfants à gérer. 
 

“ Les lignes discontinues, sur le bitume, sont comme un dessin d’enfant dont il faudrait relier les points pour en relever le secret. Il n’y a qu’en repassant sur tous les traits du voyage qu’on en découvre le sens. ” 

 

Alors on sera pas étonnée d’apprendre que Sabrina, cette ATSEM au grand cœur a pris  sous son aile la jeune Irina, il parait que deux russes zonent dans le quartier à la recherche d’une blonde.

Parce qu’ici dans le quartier, on ne laisse pas tomber une sœur dans le besoin même si ce n’est pas sans danger. 
Et oui sur la place carrée, véritable poumon du quartier qui respire au rythme des battements de cœur de ses habitants, la vie continue avec ses hauts et ses bas, ses galères et ses débrouilles, avec un peu d’amour et beaucoup d’amitié mais toujours avec beaucoup d’humanité pour faire face à la violence 
et puis au final on aura vu la mer, alors pas de quoi se plaindre, le plus dur est passé même si cela n’a pas été sans mal, une fois encore. 
 

“ Le garçon soupire. À la maison, la seule choque l’attend, c’est son père en rogne. Il regarde le couple passer la porte et quitte son siège. Il traîne sa jambe raide dans la pénombre du soir, où tout est bleu et triste, parce qu’un jour meurt et que le suivant est incertain. ” 

 

 

C’est pas mon quartier mais ça y ressemble drôlement, mise à part le nom de mes voisins qui sont différents, l’ambiance est la même et en plus ma fille est ATSEM maintenant alors raison de plus pour poursuivre les chroniques de la place carrée. 


Tristan Saule, fin observateur rends hommage une fois encore aux petites gens comme certains disent,à travers les habitants de ce quartier (pas méconnus pour certains lecteurs fidèles) tout en pointant sa plume vers les travers de la société et ce qui fait son actualité. Et cette fois il s’attarde notamment sur une ATSEM ( agent territorial spécialisé des écoles maternelles) et c’est pas un métier facile, et par cette histoire il leur rend un bel hommage aux ATSEM, tout comme à Irina une réfugiée ukrainienne ( dont un témoignage lui a été confié). 

Certains parleront de fictions et c’est pourtant très représentatif de certains quartiers où la violence grimpe les échelons bien plus vite que le smic ou le RSA. 

Alors comme je vous l’ai déjà dis par ici, laissez tomber les infos, la vraie vie c’est bien plus passionnant par ici, et elle  est racontée à travers ce roman qui ne manque ni de suspense ni de piquant avec une belle dose d’humanité à travers des personnages authentiques, de manière percutante et tout en remettant les pendules à l’heure, elle touchera peut-être le cœur des plus endurcis, mais surtout vous ouvrira grand les yeux sur ce monde qui est aussi le vôtre. 

 

Tristan Saule

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Z
Je le note . Merci .
Répondre
S
Bonne découverte 🤩